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" J'utilise des sondes pour mieux contrôler l'irrigation des plantes "

Pour Philippe Jahan, l'emploi des sondes permet d'optimiser l'irrigation et apporte un réel confort de gestion.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Philippe Jahan, responsable de production des pépinières du Val d'Erdre, en Loire-Atlantique (44), équipe progressivement les cultures de sondes capacitives afin d'optimiser l'arrosage des végétaux.

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Trente pour cent d'économie d'eau : c'est le gain obtenu par Philippe Jahan sur sa culture de Viburnum tinus sous tunnel après l'avoir équipée de sondes d'humidité. Le responsable de production des pépinières du Val d'Erdre, dont le siège est implanté à Saint-Mars-du-Désert (44), a entamé une démarche d'optimisation de l'arrosage (bassins de stockage, recyclage...) qui l'a amené, il y a six ans déjà, à s'intéresser aux sondes capacitives (voir encadré). Les premiers capteurs ont été installés sous tunnel, d'abord avec la supervision d'Aria (41), puis celle de Divatec (44). Les résultats ? Une meilleure qualité de pousse et un végétal plus vigoureux avec un bon système racinaire, en complément des économies d'eau. Avant l'installation des capteurs, l'arrosage était programmé manuellement, par exemple en planifiant deux aspersions journalières de 10 minutes sur Viburnum.

Douze sondes sont installées dans la multichapelle, les bitunnels et la plate-forme extérieure, gérant ainsi 50 % des conteneurs du site de Saint-Mars-du-Désert. Elles fonctionnent du printemps à l'automne, avec un arrosage programmé tous les deux jours. Chacune est reliée à une électrovanne, responsable de l'irrigation d'à peu près 1 000 m2 (soit un tunnel ou un quart de la chapelle), mais une même sonde peut démarrer jusqu'à 4 électrovannes. L'important est que les lots de végétaux pour chaque sonde soient homogènes : « Ce qui nécessite une certaine rigueur dans la mise en place des cultures. Mais nous avions déjà travaillé les consommations de chaque plante, pour pouvoir les rassembler selon leurs besoins d'irrigation. » Les lots varient également selon la taille des pots. « Le positionnement de la sonde est aussi important », précise Philippe Jahan. Elle ne doit pas être installée en bordure d'allée, sur le côté de l'abri ou près d'une ouverture de porte. De même, une fois mise en place dans le substrat au contact des racines, il faut veiller à ne plus y toucher, au risque de déclencher un arrosage en cas d'arrachage et de devoir attendre 2-3 jours avant de retrouver un équilibre.

Les courbes obtenues sur ordinateur grâce aux sondes, exprimées en pourcentage d'humidité, permettent de visualiser facilement la consommation de l'eau par la plante. Un logiciel de supervision assure le pilotage de l'irrigation à partir des paramètres enregistrés par l'utilisateur. Par exemple, lorsque le taux d'humidité atteint 40 % en culture de Choisya, le capteur déclenche l'arrosage pour une durée donnée. « Une prochaine étape consistera à arrêter l'arrosage lorsque le taux d'humidité a atteint le niveau souhaité ! » Une modification de l'outil d'autant plus intéressante que ce niveau recherché évolue en fonction du stade de développement de la plante.

Les courbes de pourcentage d'humidité du substrat en fonction des besoins des végétaux ont été élaborées par un élève ingénieur sur logiciel Aria. Au départ, trois sujets modèles ont été choisis : Viburnum tinus exigeant en eau, Hydrangea macrophylla aux besoins évolutifs (faibles au début puis croissants) et Choisya ternata (peu exigeant). Puis trois nouvelles courbes ont été ajoutées : magnolia caduc, magnolia persistant et céanothe. « Il y a eu beaucoup de tâtonnements. » Il a fallu d'abord étalonner les sondes : en les plaçant dans l'eau pour indiquer le 100 % d'humidité, puis au sec (0 %). La troisième étape de l'étalonnage consiste à mouiller le pot puis à le laisser s'égoutter (ressuyage), et à prendre différentes mesures d'humidité. « Ensuite, la difficulté a été de faire confiance au matériel : nous avions placé deux sondes par lot au cas où l'une tomberait en panne. »

Les premières sondes utilisées, canadiennes, nécessitaient un démontage pour leur étalonnage. Philippe Jahan a finalement choisi des capteurs d'humidité 10 HS proposées par Anjou automation (85), d'apparence plus robuste et à l'étalonnage simplifié : il s'effectue grâce à une puce, les données sont transmises à l'ordinateur par Bluetooth. La pépinière travaille en collaboration avec l'école du Fresne, à Angers (49), qui possède le même équipement. Les sondes capacitives coûtent minimum 400 euros, auxquels il faut ajouter le prix du logiciel (4 500 euros) et celui du programmateur (boîtier auquel sont rattachées les sondes). Les pépinières du Val d'Erdre ont choisi un système filaire, moins cher que le système de transmission de données à distance équipé de panneaux solaires. La maintenance consiste simplement en un démontage en hiver et un stockage au sec.

Les six courbes réalisées correspondent à des végétaux donnés mais également à des substrats spécifiques. En effet, pour un même sujet, deux substrats différents auront deux comportements hydriques différents. L'entreprise de Loire-Atlantique utilise 4 types de substrat au pH variable. « Dix courbes permettraient de couvrir une bonne partie des 1 200 références de la pépinière, l'objectif étant de passer tout l'arrosage sur sonde. Nous mettons d'ailleurs en place un réseau wifi pour tout centraliser. »

La différence entre la gestion manuelle et la gestion par capteur s'exprime surtout pendant les jours courts ou lorsque le temps est couvert : les plantes évaporant beaucoup moins, elles ont besoin de moins d'irrigation, ce que captent très bien les sondes. « Manuellement, nous aurions tendance à déclencher l'irrigation en présence de substrat sec. Les sondes permettent une meilleure réponse aux besoins. » De même, en cas de fort ensoleillement et de vent, la sonde ne déclenche pas l'irrigation. Pourquoi ? « La plante se met en sécurité et ferme ses stomates, donc elle ne consomme pas d'eau », explique Philippe Jahan. « La diminution des volumes d'eau consommés, de même que celle des intrants phytosanitaires (*) nécessitent de comprendre parfaitement le comportement du végétal : sa physiologie, les risques sanitaires, comment sont induits ces risques, comment vit un acarien, comment s'installe un champignon... » Ainsi, pour Choisya, la valeur de déclenchement de l'arrosage (40 %) et son plafond (60 %) ont été choisis pour éviter les excès d'eau, tout en maintenant le feuillage humide de façon à limiter les acariens... Deux paramètres s'opposent au déclenchement de l'irrigation sur la pépinière : en cas de forte chaleur ; et lorsqu'un autre secteur est déjà en cours d'arrosage. En effet, le cumul des irrigations simultanées ne doit pas dépasser 100 m3/h, ce qui correspond à la puissance de pompage du site.

Pour l'instant, les courbes sont surveillées sur ordinateur. La prochaine étape consistera à les visionner sur mobile (téléphone ou tablette). Les sondes sont raccordées à un boîtier de programmation M16 (un boîtier pour 10 sondes), qui permet une gestion manuelle si nécessaire. Un premier boîtier contrôle une partie des bitunnels, la multichapelle et la plate-forme extérieure, un second contrôle les tunnels restants. Ce qui nécessite deux ordinateurs. Le passage au wifi permettra de centraliser les données sur un seul ordinateur et de repérer les alertes sans avoir à faire le tour des différents boîtiers. « Quand on a commencé à goûter au confort des sondes, on a envie d'aller plus loin. » Les pépinières du Val d'Erdre souhaitent aussi à terme raccorder l'ensemble des sondes avec le logiciel de gestion climatique de la serre.

L'installation de sondes ne constitue qu'une partie de la stratégie de cet établissement afin de diminuer la quantité d'eau pompée dans la nappe phréatique. L'eau de drainage et celle de pluie issue des couvertures de serres sont récupérées. Une lagune (plantée de Miscanthus, Typha...) assure la phytoépuration d'une partie de cette eau qui est envoyée dans un bassin de stockage. Au total, la pépinière possède 5 h de surface de stockage répartie en 4 bassins de 2 m de profondeur (soit environ 100 000 m3). L'eau des forages, équipés de compteurs volumétriques, assure le complément uniquement en cas de besoin.

Valérie Vidril

(*) La pépinière a diminué de 85 % ses intrants phytosanitaires en 10 ans.

La sonde 10 HS doit être positionnée dans le substrat au plus près des racines.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Pour minimiser les coûts, le choix s'est porté sur un système de transmission filaire. Mais à terme l'objectif est de passer en wifi.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Le boîtier récepteur M16 est connecté à un ordinateur qui exécute le logiciel de supervision.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Une sonde capacitive déduit la teneur en eau à partir de la fréquence électromagnétique du signal envoyé et réfléchi.

PHOTO : DIVATEC

Les sondes ne sont qu'une des solutions de l'entreprise pour diminuer les consommations d'eau. Ici, un de ses 4 bassins de stockage.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

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